Si les téléconsultations se développent face à la pénurie de médecins, l’Assurance maladie, qui les rembourse aujourd'hui à 100%, pointe des abus trop fréquents.
Le 20H de TF1 a mené l'enquête.

On en trouve désormais un peu partout, que ce soit dans les pharmacies, les maisons de santé, et même parfois dans des mairies ou des écoles. Grâce à ces bornes de téléconsultation, les patients peuvent obtenir un rendez-vous avec un praticien, le tout à distance et sans attendre ou presque. Mais si la pratique se généralise, l’Assurance maladie pointe déjà des abus trop fréquents. 

Pour s'en faire une idée, une équipe de TF1 tente d’obtenir un arrêt de travail avec un médecin en ligne dans la vidéo du 20H en tête de cet article. La consultation, d’un montant de 60 euros, dure moins de 5 minutes et, en dépit de l’absence de réels symptômes, le médecin prescrit un antibiotique et un arrêt de travail d’une journée. De quoi interroger sur la fiabilité de la télémédecine et surtout l'absence de garde-fous pour limiter les abus. 

L’an dernier, pas moins de 12 millions de téléconsultations ont été délivrées sur tout le territoire, dont la moitié via des applications comme Doctolib, Livi ou encore Qare. Une partie de ces plateformes rémunèrent leurs télémédecins, une dérive d’après l’Assurance maladie : théoriquement, ces consultations sont réservées aux médecins traitants. 

Qui sont ces médecins qui acceptent des primes pour assurer des téléconsultations à la chaîne ? "Ce sont des médecins partenaires, qui sont disponibles sur la plateforme pour permettre une permanence de soin. Ils sont inscrits à l’ordre des médecins", explique le cofondateur de Medadom, Elie-Dan Mimouni. De vrais professionnels, souvent très éloignés de votre domicile et même parfois à la retraite. C’est le cas du Dr Dominique Lebeau. "J’ai 74 ans et qu’une seule envie, travailler. La consultation n’est pas la même, puisqu’il n’y a pas ce contact physique. Mais on a l’impression d’avoir une utilité", soutient-il.

Ces téléconsulations assorties d’un arrêt de travail progressent très rapidement. Aujourd’hui, cela représente quasiment 100 millions euros de dépenses
Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie.

Actuellement, ces téléconsultations sont prises en charge à 100% par l’Assurance maladie. Et la facture est loin d'être négligeable. "Ces téléconsulations assorties d’un arrêt de travail progressent très rapidement. Aujourd’hui, cela représente quasiment 100 millions euros de dépenses", souligne Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie. Pour limiter cette gabegie, il préconise que les arrêts de travail obtenus par téléconsultation hors médecin traitant ne soient plus aussi facilement remboursés. 

Le DG de l'Assurance maladie souhaite aussi plus de régulation. "Aujourd’hui, ce qu’il faut, c’est fixer de nouvelles règles du jeu. Par exemple, limiter les abus en matière d’arrêt de travail. Et puis  également avoir un vrai statut des offreurs de téléconsultation comme ces plateformes, avec des exigences pour mettre fin à ce qu’on pourrait appeler un peu le Far West des téléconsultations", encourage-t-il.

Dans cette jungle des téléconsultations, une jeune pousse française cherche à se démarquer, en proposant des téléconsultations ophtalmologiques. "On installe ces dispositifs dans des déserts médicaux, où on attend parfois six à douze mois pour revoir son ophtalmo. Nous, on propose des rendez-vous toutes les semaines", explique Jordan Cohen, cofondateur de Tessan Entreprise. Afin d'éviter les abus, des gardes fous ont été mis en place. "Si un patient fait plus de trois consultations sur le mois, on l’oriente directement vers un médecin dans sa zone, qu’il ira voir physiquement." 

Avant 2020 et la pandémie de Covid-19, seuls 7% des Français consultaient leur médecin à distance. Ils sont aujourd'hui six fois plus nombreux. 


M.D. | Reportage TF1 Jean-Marie Bagayoko, Hélène Massiot et Simon Humblot

Tout
TF1 Info